Les femmes sont souvent les premières victimes dans les scandales pharmaceutiques. Dans leur ouvrage « Mauvais traitements, pourquoi les femmes sont mal soignées », Delphine Bauer et Ariane Puccini s’interrogent sur les raisons de ce phénomène et dénoncent un système de santé patriarcal. Interview de la journaliste girondine Ariane Puccini.
« Avec l’aide de la revue médicale mensuelle indépendante Prescrire, vous avez observé que les 2/3 des médicaments dangereux remboursés par la Sécurité sociale sont prescrits à plus de 60 % à des femmes. En passant en revue les scandales pharmaceutiques des soixante dernières années, vous avez aussi constaté une sur-représentation des femmes parmi les victimes. Quelles en sont les raisons, selon vous ? »
La plupart des essais cliniques sont réalisés sur des hommes. Dans les années 1960, le Thalidomide, sédatif qui devait soulager les nausées des femmes enceintes, a eu sur des foetus des effets tératogènes (malformations). Depuis, la recherche n’inclut plus de femmes, ou très peu, dans les essais cliniques hormis pour les pathologies sexuées concernant donc les seins ou l’appareil reproductif.
Aujourd’hui, il est possible de participer à un essai clinique en étant sous contraceptif, pour éviter de compromettre la santé d’un fœtus éventuel.
Autre cause possible : de la conception du médicament dans les laboratoires pharmaceutiques à sa délivrance et jusque dans les pouvoirs publics, les hommes sont majoritaires. Or, les lanceurs d’alerte sur ces thématiques, et en général les victimes, sont des femmes : Irène Frachon, pneumologue, pour le coupe-faim Médiator; Marion Larat pour les pilules contraceptives de 3e et 4e génération; Marine Martin pour le scandale des enfants nés sous l’antiépileptique Dépakine, Marielle Klein, qui a fait retirer du marché l’implant contraceptif Essure…
Par ailleurs, le corps des femmes et celui des hommes ne réagissent pas de la même manière aux traitements, n’est-ce pas ?
La composition du corps, le poids et la taille de la personne jouent beaucoup dans la métabolisation d’un médicament : sa rapidité d’action, son efficacité, sa durée de vie dans l’organisme… Or, le corps des femmes comporte plus de graisse que celui des hommes, et elles sont en général moins grandes et plus légères.
Ainsi, le (puissant) somnifère Zolpidem entraîne, chez les femmes, des somnolences au volant et de graves accidents. Aux Etats-Unis, les autorités sanitaires ont même exigé que le fabricant de cet hypnotique le propose à un dosage réduit pour la population féminine.
De même pour le vaccin contre la grippe : une demie dose serait suffisante pour les femmes, car leur système immunitaire réagit plus rapidement.
Selon vous, les femmes seraient aussi victimes des injonctions de la société qui les pousseraient à prendre des médicaments amincissants, anti-pilosité, anti-acné, anti-grossesse, anti-vieillessement aux effets parfois désastreux ?
Oui, la société pousse les femmes à être plus minces, moins poilues, à afficher une peau de bébé, prendre en charge la contraception dans les couples hétérosexuels… Et les laboratoires pharmaceutiques répondent à cette demande. Ainsi, le fameux Médiator (des laboratoires Servier), antidiabétique également prescrit pour son effet coupe-faim, a provoqué de nombreuses valvulopathies voire la mort.
L’an dernier, nous apprenions que l’Androcur, médicament (du laboratoire Bayer) prescrit notamment contre l’hirsutisme (excès de poils) mais aussi l’acné modérée, augmente les risques de développer un méningiome, une tumeur bénigne des membranes qui enveloppent le cerveau et la moelle épinière).
Enfin, les traitements hormonaux substitutifs développés pour les femmes ménopausées contre les bouffées de chaleur, la diminution de la libido, l’ostéoporose, etc. augmentent le risque de cancer du sein voire de maladie d’Alzheimer et n’apportent aucun bénéfice en termes de prévention cardio-vasculaire.
Propos recueillis
par Florence Heimburger
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