La privation de nourriture serait-elle bénéfique pour la santé ? Le point d’après des publications récentes et avec le docteur Catherine Lacrosnière, experte en nutrition et auteure de nombreux livres dans ce domaine
Le jeûne ferai perdre du poids rapidement, combattrait diabète et cancer et améliorerait la santé cardiaque. Est-ce si vrai ? On parle de jeûne dès lors qu’il n’y a pas de prise alimentaire pendant au moins 16 heures. Il peut être complet où seule l’eau est permise, « sec » quand l’individu ne s’alimente ni ne boit, partiel si la diète repose sur des jus de fruits et légumes, et l’apport calorique est de 300 kcal/jour…, continu ou intermittent (durant 16h, ou un ou deux jours par semaine…).
« Si plusieurs études ont montré que jeûner permet de maigrir très rapidement (1 à 2 kg par jour), cet amincissement est avant tout lié à une perte d’eau, de sodium et à la fonte de la masse musculaire, et non exclusivement des graisses, indique le Dr Lacrosnière. Quant à ces effets sur la santé, il faudrait de nouvelles études permettant de statuer sur son efficacité thérapeutique ou préventive. »
Certes, en 2019, le docteur Françoise Wilhelmi de Toledo et son équipe de la clinique Buchinger (Allemagne) ont montré chez 1422 abstinents alimentaires durant 4 et 21 jours une nette amélioration du métabolisme dans étude publiée dans la revue PlosOne. Le tout avec réduction de la circonférence abdominale, baisse de la pression artérielle, des taux de cholestérol et de lipides sanguins ; et une augmentation du bien-être physique et émotionnel ainsi qu’un sentiment de mieux-être chez 84 % des 404 sujets souffrant d’une maladie grave (diabète de type 2, arthrite, stéatose hépatique…).
Néanmoins, les experts français restent prudents. Dans un communiqué datant de 2017, l’Association française des diététiciens nutritionnistes écrit que « le jeûne est dangereux pour l’organisme, qui a besoin de toute l’énergie et de tous les nutriments fournis par l’alimentation ». En 2014, dans son « Evaluation de l’efficacité de la pratique du jeûne comme pratique à visée préventive et thérapeutique », l’Inserm pointe : « Les études (…) sont encore trop peu nombreuses et leur qualité méthodologique est souvent insuffisante (…). D’autres études sont nécessaires (…). »
Des conséquences désastreuses chez certaines populations
Mêmes réserves du côté de l’Institut national du cancer (Inca) et du Réseau national alimentation cancer recherche (Nacre), dont une expertise collective n’a retrouvé aucun argument en faveur d’un rôle bénéfique sur la prévention ou le traitement des cancers. Pire, le jeûne aurait même un effet délétère au cours des traitements anti-cancéreux : il risque d’aggraver « la dénutrition et [de] la sarcopénie (diminution des capacités musculaires), deux facteurs pronostiques péjoratifs reconnus (…). »
D’autre part, le docteur Lacrosnière ajoute : « les conséquences peuvent être particulièrement graves chez d’autres populations pour la croissance du bébé chez les femmes enceintes et allaitantes, celle des enfants et adolescents, risque d’arythmie cardiaque chez les personnes âgées, risques chez les personnes atteintes de diabète, d’hyperthyroïdie, d’épilepsie ou d’insuffisance rénale avancée… ».
Si l’aventure vous tente, vous pouvez visualiser le documentaire « Le jeûne, une nouvelle thérapie ? » de Thierry de Lestrade et Sylvie Gilman, diffusé sur Arte en janvier 2020, pour une mise en bouche.
Florence Heimburger
Le docteur Catherine Lacrosnière a publié : L’Alimentation anti-inflammatoire – Naturellement healthy : Prévenir les maladies du siècle (éd. Albin Michel, 2019), Prévenir et soigner l’inflammation (éd. Hugo Document, 2018), Comment j’ai décroché des kilos en trop (éd. Marabout, 2016), Conseils minceur pour addict du grignotage (éd. Marabout, 2014), Conseils minceur pour irréductibles épicuriennes (éd. Marabout, 2014), Conseils minceur pour abonnées au yoyo (éd. Marabout, 2014), Conseils minceur pour celles qui n’ont jamais le temps (éd. Marabout, 2014), Les secrets de l’alimentation anti-inflammatoire (Albin Michel, 2010), Mon programme minceur en 12 semaines (éd. Flammarion, 2006), 12 semaines pour maigrir et affiner sa silhouette (éd. Flammarion, 2005).