Le CHU et l’Université de Bordeaux ont lancé ce 15 avril en Gironde un essai clinique qui comparera quatre médicaments chez plus de 1000 malades de 65 ans et plus, traités à leur domicile. Premier du genre au niveau mondial, ce projet vise aussi à désengorger l’hôpital, saturé.
D’ordinaire peuplé de sportifs qui s’y affrontent ou, post-match, de supporters de l’Union Bordeaux-Bègles, le gymnase Albert Thomas, à Bordeaux, s’est mué en centre de recherche médicale, en ces temps de pandémie. Et pour cause : cette annexe du stade Chaban-Delmas est devenue le QG de la soixantaine de médecins de ville, internes, étudiants externes, pharmaciens, infirmiers, universitaires et de personnel administratif impliqués dans l’essai thérapeutique Coverage.
Porté par le CHU de Bordeaux, en collaboration avec l’Université de Bordeaux, ce projet est unique en France et même « au monde », selon Yann Bubien, le directeur général du CHU de Bordeaux. Il vise à tester l’efficacité de 4 traitements différents sur plus de 1000 malades du Covid-19 âgés de 65 ans et plus, à leur domicile ou en EHPAD (Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes).
Quatre traitements testés à domicile
« Le Covid-19 provoque des larmes, des deuils, et a réussi à mettre à genou le système de santé des pays du Nord, souligne le professeur Denis Malvy, infectiologue responsable de l’unité des maladies tropicales et du voyageur au CHU de Bordeaux, membre du Conseil scientifique Covid-19 et investigateur principal de l’essai Coverage. Cet essai vise à traiter en amont les patients de 65 ans et plus, plus « vulnérables » au nouveau coronavirus, chez eux, le plus tôt possible (au plus tard 72 h après les premiers symptômes) pour éviter toute dégradation de leur état de santé et une hospitalisation. »
Pour ce faire, 4 traitements prometteurs et administrables par voie orale seront testés : l’antiviral favipiravir (nom commercial : Avigan), l’anticancéreux Imatinib (Glivec), la fameuse hydroxychloroquine plébiscitée par le professeur Didier Raoult à Marseille (antipaludique commercialisé sous le nom de Plaquenil, et habituellement prescrit contre le lupus et la polyarthrite rhumatoïde) et les sartans, des médicaments contre l’hypertension artérielle. Enfin, un groupe « placebo » se verra administrer un cocktail de vitamines, dont la C, connue pour booster les défenses immunitaires.
Les traitements seront délivrés par tirage au sort aux seniors volontaires et l’essai sera « ouvert » : malades et médecins sauront quel médicament est donné à qui.
Une quinzaine d’équipes mobiles, constituées d’un médecin de ville et d’un infirmier(e), se déplaceront (grâce à 35 voitures fournies par des concessionnaires automobiles) pour tester les séniors suspects par prélèvement nasal via un écouvillon. Les professionnels de santé incluront ensuite les femmes et hommes à la fois positifs au Covid-19 et volontaires et leur fourniront le traitement à prendre pendant 10 jours.
Un suivi médical strict sans bouleverser le quotidien
Ces équipes mobiles remettront aussi aux malades des kits d’autosurveillance comprenant : tensiomètre, électrocardiogramme de poche, oxymètre (pour mesurer le taux d’oxygène dans le sang)… Les patients seront suivis physiquement (3 visites de contrôle durant les 10 jours) ou à distance par leur médecin traitant et par l’équipe de l’étude Coverage. Ils pourront transmettre aux soignants des informations sur leur état de santé par téléphone (via un numéro dédié) ou des outils digitaux, tout en restant chez eux, sans que leur quotidien ne soit perturbé.
Aucun patient ne sera accueilli au gymnase Albert Thomas : celui-ci sert à stocker du matériel (kits de prélèvements, tenues de protection, gel hydro-alcoolique…). Les traitements restent à la pharmacie du CHU. Le site de Chaban-Delmas héberge aussi la cellule de suivi téléphonique et d’analyse des données.
D’autres villes et pays intéressés par ces essais cliniques
Quand pourra-t-on espérer avoir les premiers résultats ? « Pas avant plusieurs semaines à cause, notamment, du recrutement de tous les patients qui risque de prendre du temps dans notre région peu touchée, indique le professeur Malvy. Mais des analyses séquentielles seront réalisées tous les 30 patients et nous adapterons l’essai en fonction des résultats obtenus », assure l’infectiologue.
L’initiative pourrait faire des émules : « six villes d’Île-de-France et du Grand Est nous ont d’ores et déjà sollicités pour que nous les incluions à Coverage. Nous allons sélectionner les 4 plus « capables » », indique le spécialiste.
De même, un centre hospitalier de Brescia, en Italie du Nord, et un autre en Espagne sont également intéressés. « Nous attendons les financements européens », précise le Pr Malvy. L’essai Coverage pourrait aussi être étendu à deux pays d’Afrique subsaharienne qui en ont fait la demande. Et aider les pouvoirs publics locaux et nationaux à adopter la meilleure stratégie de déconfinement pour cette population plus fragile des plus de 65 ans ? C’est aussi l’ambition de cet essai innovant.
Florence Heimburger
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