Les médecins sont d’ores et déjà débordés par l’afflux de malades, la Nouvelle-Aquitaine se prépare au pire. Curieux.live a pu faire un point avec les experts néo-aquitains de la santé et visiter le service de réanimation médicale du CHU de Bordeaux, qui accueille actuellement 5 cas graves.
« Nous sommes en guerre ». C’est par ces mots forts et répétés, que le Président Emmanuel Macron a appelé solennellement les Français à rester confinés afin de contenir et étaler dans le temps l’épidémie galopante de Covid-19 (ou SARS-CoV-2). Car si le virus s’avère bénin dans 80 % des cas, il entraîne des formes graves à sévères dans 15 % des cas et très graves avec risque de décès dans 5 % des cas.
En France, le Covid-19 a déjà touché 7730 personnes (dont 699 sont hospitalisées en réanimation) et causé 175 décès. Avec un doublement du nombre de cas tous les 3 jours, certaines régions comme le Grand Est, l’Île-de-France, les Hauts-de-France et la Corse sont particulièrement touchées. En Nouvelle-Aquitaine, la situation se tend également mais de manière moins rapide : la région recense 207 cas dont une douzaine en réanimation. Cinq d’entre eux sont en réanimation médicale au CHU de Bordeaux. L’établissement hospitalier a souhaité montrer le service de réanimation de manière « exceptionnelle » aux journalistes pour lever le voile sur « ce qu’est réellement la maladie ».
Ces patients, dont le pronostic vital est engagé, ont été placés dans un coma artificiel et sous assistance respiratoire. Ils sont même « curarisés » afin de paralyser leurs muscles respiratoires et éviter qu’ils ne « luttent » contre le respirateur. Placés sur le ventre, ils sont retournés deux fois par jour par le personnel soignant (cela requiert 4 personnes) qui a pris le soin au préalable d’enfiler blouse, casaque, tablier, masque FFP2, gants, charlotte et lunettes de protection…
Pas d’anti-inflammatoires en cas de symptômes !
« Les quatre premiers d’entre eux sont tous jeunes et ont tous pris des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (NDLR : ibuprofène, cortisone…) pour traiter leurs symptômes », souligne le Dr Benjamin Clouzau, anesthésiste-réanimateur au CHU de Bordeaux. Il enjoint la population à cesser de prendre des AINS, possibles facteur d’aggravation de l’infection. Le traitement d’une fièvre mal tolérée ou de symptômes ORL repose sur le paracétamol (sans dépasser les doses indiquées).
Tous ces patients, comme beaucoup d’autres atteints du Covid-19, ont vu leur état se dégrader en « quelques heures seulement ». Ils ont dû être transférés rapidement de l’étage des maladies infectieuses où sont traités les patients les moins graves au service de réanimation.
Le Samu saturé, le médecin traitant premier recours
Le Service d’aide médicale urgente (SAMU, 15) du CHU de Bordeaux commence à être saturé : « Nous recevons 2500 appels par jour contre 1000 en semaine et 1300 le week-end en temps normal, raconte le Professeur Xavier Combes, chef du service SAMU-SMUR (Service mobile d’urgence et de réanimation). Notre activité a plus que doublé depuis une dizaine de jours. Cela est dû, entre autres, à l’inquiétude de la population. Nos capacités techniques ont été mises à rude épreuve. Pour faire face, nous nous sommes réorganisés et renforcés en sollicitant les médecins libéraux (NDLR : moins sollicités du fait du confinement de la population), le personnel hospitalier et les étudiants en médecine et internes. Il y a encore trop d’appels pour de simples questions sur la maladie. Nous demandons à la population de ne composer le 15 qu’en cas de symptômes sévères comme des difficultés respiratoires. Nous ne voulons pas rater d’urgence vitale : un AVC, un infarctus pour cause de saturation de la ligne ! », souligne le Pr Combes.
Face à l’extension de l’épidémie, le médecin traitant devient le premier recours dans la prise en charge des patients.
Les interventions chirurgicales non urgentes déprogrammées
Pour faire face à l’augmentation de cas, « toutes les interventions chirurgicales non urgentes ont été déprogrammées et reportées à plus tard, indique le Pr Yann Bubien, directeur du CHU de Bordeaux. Ce qui importe : avoir davantage de personnel pour gérer un afflux massif de malades et libérer des lits de réanimation. Nous avons aussi mis en place en amont des urgences un poste médical avancé pour éviter que les personnes atteintes du Covid-19 n’en contaminent d’autres. » Ainsi, deux tentes ont été montées à proximité de l’entrée des urgences pour « trier » les patients.
Des lits supplémentaires en réanimation et le dépistage systématique
Par ailleurs, à ce jour, la région dispose en tout de 1610 lits de réanimation (dont 300 sur les 3 sites du CHU de Bordeaux) dont 482 sont actuellement libres. Ces capacités augmentent chaque jour grâce à la démarche de déprogrammation demandée par l’Agence régionale de la santé (ARS).
D’autre part, au stade 3 de l’épidémie, dans lequel se trouve la France, les tests de dépistage (prélèvement rhino-pharyngé ou crachats…) sont normalement réservés à quatre populations prioritaires (personnes fragiles et/ou hospitalisées présentant des symptômes évocateurs, etc.). « Nous avons décidé de continuer à dépister systématiquement toutes les personnes symptomatiques (toux, fièvre…) ayant un lien avec une zone où le virus circule activement ou en contact avec un cas confirmé, continue l’experte. Cela afin de limiter la propagation du virus, indique Hélène Junqua, directrice générale adjointe de l’ARS Nouvelle-Aquitaine. »
Si le test se révèle positif, des recherches sont ensuite menées pour identifier l’origine de la contamination et les sujets contacts.
Les CHU de Bordeaux, Poitiers et Limoges peuvent à eux trois réaliser 590 tests par jour au maximum. Ils en reçoivent actuellement 300 quotidiennement. Si besoin, les laboratoires privés et les 14 autres établissements « Covid-19 » pourront être sollicités pour augmenter la cadence.
Texte et photos :
Florence Heimburger
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