De nouvelles approches d’apprentissage des langues étrangères bousculent nos préjugés. Notre vision souvent trop cloisonnée des langues est remise en question
« Apprendre une langue n’est pas forcement la maîtriser dans sa totalité. Un préjugé voudrait qu’on ne connaisse une langue étrangère que si l’on maîtrise aussi bien l’oral, l’écrit, la grammaire,… Non, on peut apprendre une langue selon ses propres besoins. On peut ainsi décider de la comprendre à l’oral sans forcément l’écrire. Ou de la lire sans forcément la parler. Il est important d’accepter cette idée de compétence partielle », défend avec ferveur Mariella Causa, directrice du Département des sciences du langage à l’Université Michel Montaigne de Bordeaux.
En prônant pour une didactique du plurilinguisme, elle refuse également un préjugé bien ancré selon lequel une langue pour être apprise se doit d’être cloisonnée des autres langues en contact, ou, dans le cadre scolaire, des autres langues qui circulent dans l’espace-classe.
Oser s’appuyer sur les langues déjà apprises
« Cette vision cloisonnée de l’enseignement tient à l’idée que s’appuyer sur les autres langues que l’on connaît porterait à confusion et bloquerait l’apprentissage. C’est faux, il ne faut pas avoir peur des contacts linguistiques. Des recherches menées depuis les années 1990, ont démontré toute l’efficacité d’une didactique du plurilinguisme », ajoute Mariella Causa.
Concrètement, une vision plurilingue de l’enseignement et de l’apprentissage des langues consiste à s’appuyer sur les langues déjà connues de l’apprenant et sur son répertoire linguistique. On apprend en effet toujours une langue en référence aux langues que l’on connaît déjà. Très spontanément, d’ailleurs, chacun ne peut s’empêcher lorsqu’il apprend une nouvelle langue de la comparer à celles qu’il connaît, à s’appuyer sur les points communs ou différences sur la structure des phrases, la prononciation, les marques de genre ou de pluriel…
Des stratégies d’apprentissage pour les adultes
« Dans une perspective plurilingue, l’on se sert justement des comparaisons, entre les langues, avec l’aide bien sûr de l’enseignant, pour mieux apprendre la nouvelle langue ou mieux repérer et comprendre des erreurs récurrentes que l’on peut faire. Cette conscientisation permet un apprentissage plus efficace et rapide », précise Mariella Causa.
Pour l’experte, il faut revenir également sur un autre préjugé tenace estimant qu’apprendre une nouvelle langue est forcément compliqué pour un adulte.
« Bien sûr, les recherches ont démontré depuis très longtemps que les enfants ont plus de facilité à apprendre des langues. Des études psycholinguistiques récentes soutiennent qu’on peut tout aussi bien apprendre les langues à l’âge adulte. L’adulte a en effet développé des stratégies qui peuvent grandement aider l’apprentissage d’une nouvelle langue ».
Marianne Peyri
Une approche prisée dans les classes allophones Cette approche pédagogique s’appuyant sur les langues connues de l’apprenant est particulièrement employée dans les classes allophones accueillant des enfants migrants. On peut la découvrir dans cette vidéo éclairante « Comparons nos langues », coproduite par le Le Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), le CASNAV et le CDDP. On voit comment l’enseignant incite l’élève à comparer le français avec sa langue d’origine : comment est composé l’alphabet de chaque langue, comment est indiqué le genre ou le nombre des mots, la forme négative, etc.
Cette approche permettrait d’impliquer pleinement les élèves et d’aider l’enfant à repérer, à comprendre des erreurs récurrentes et à y remédier.
Image par Wokandapix de Pixabay