Le premier patient infecté par le coronavirus sur le sol français a pu quitter le CHU de Bordeaux jeudi dernier, où il était hospitalisé depuis le 23 janvier. Comment a-t-il été pris en charge ? La région pourra-t-elle accueillir tous ses malades en cas d’épidémie ?
Après 22 jours d’hospitalisation au sein du service des maladies infectieuses et tropicales du CHU de Bordeaux, l’homme âgé de 48 ans atteint de la pneumonie virale Covid-19 a pu quitter l’établissement de santé : il est cliniquement et virologiquement guéri. « Ces examens biologiques, sanguins et radiologiques sont normaux, il ne présente plus aucuns symptômes et semble être en mesure socialement et psychologiquement de retourner à son domicile », précise le professeur Denis Malvy, responsable de l’unité maladies tropicales et du voyageur.
Le patient a souffert d’une pneumonie bilatérale et avait été placé en chambre d’isolement à pression négative (pour éviter la dissémination du virus), sous la surveillance 24heures sur 24 du personnel soignant. De son chevet, il pouvait communiquer par téléphone avec un praticien hospitalier infectiologue référent. Celui-ci était revêtu de la tête au pied d’une tenue de protection : charlotte sur les cheveux, blouse bleue, casaque imperméable, tablier en plastique, lunettes et masque de protection respiratoire FFP2, gants, sur-bottes, etc.
Un traitement anti-viral à l’essai
Le malade a bénéficié de traitements « supplétifs » pour diminuer la fièvre et calmer une toux persistante. Il s’est aussi vu administrer, à usage compassionnel, un antiviral spécifique empêchant la multiplication du virus : le Remdesivir, connu pour diminuer significativement la mortalité chez les personnes atteintes du virus Ebola (dont le taux de létalité peut atteindre 90 %). Administré par voie intraveineuse pendant dix jours et diffusant dans les poumons, ce médicament fait actuellement l’objet d’un essai clinique thérapeutique comparatif randomisé (aléatoire) en Chine, en concertation avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
La combinaison de deux autres molécules, Lopinavir et Ritonavir (association sous le nom Kaletra), habituellement employées contre le VIH, est aussi à l’étude et prescrite. Elle avait déjà fait l’objet d’une utilisation expérimentale face aux coronavirus du SRAS (SARS-CoV) en 2012-2013 et du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV), apparu en 2012.
Par ailleurs, le patient va bénéficier d’un suivi médical (biologique, radiologique…) durant un mois et d’un suivi psychologique, qui a débuté lors de son séjour : « Il a subi un stress lié au confinement durant 22 jours (contre 14 jours en moyenne en Chine) et au fait d’être le premier cas en France de cette maladie émergente », souligne le Pr Malvy. Il peut aussi joindre le CHU à tout moment.
Comment la Nouvelle-Aquitaine se prépare à une épidémie
Avec désormais plus de 71 000 personnes touchées dans une trentaine de pays dans le monde, un taux de mortalité d’environ 2,2 % en Chine (contre 0,5 % environ pour la grippe saisonnière), et près de 2000 décès à déplorer, le Covid-19 continue d’inquiéter. Toutefois, le Pr Malvy se veut rassurant : « Pour l’heure, tout montre que le risque est maîtrisable. »
En cas d’épidémie en France, le CHU de Bordeaux fait partie des centres de référence et assure avoir les moyens d’accueillir les patients touchés, notamment ceux « excréteurs », à la toux incoercible : « Bordeaux dispose de 6 chambres à pression négative, mais nous pouvons étendre le dispositif de confinement à une aile complète de l’Hôpital, soit une trentaine de lits si besoin », précise l’infectiologue.
Les CHU de Poitiers et Limoges seront aussi en mesure d’accueillir des malades. Si besoin, le dispositif peut être élargi aux 17 centres hospitaliers de la région bénéficiant d’un service d’infectiologie. Enfin, en cas de forte épidémie, les personnes infectées ne présentant pas de symptômes seraient maintenues à leur domicile.
Côté vaccins, la recherche est en cours, notamment à l’Institut Pasteur à Paris. Quatre candidats contre le Covid-19 sont actuellement en préparation dans différents laboratoires. Mais leur mise au point peut prendre plusieurs mois pendant lesquels le virus peut muter et aussi disparaître.
Florence Heimburger
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