Le Laboratoire de chimie des polymères organiques (LCPO) et L’Oréal Recherche & Innovation ont décidé d’unir leurs forces pour développer des produits de beauté « verts ». Ils ont inauguré un laboratoire commun sur le campus de Pessac. A quoi ressembleront les soins de la peau et le maquillage de demain ? Le point.
De la paraffine dans les crèmes de jour, des silicones dans les shampooings, des phtalates dans les parfums, des microbilles de plastique dans les gommages… Issus pour la plupart de la pétrochimie, les composants de nos cosmétiques polluent et peuvent nuire à la santé. Leur fabrication industrielle et leurs contenants ont aussi des répercussions sur l’environnement. Face à ces constats, les Français sont de plus en plus séduits par la beauté « green » comme en témoignent les chiffres : les ventes de produits cosmétiques bio ont progressé de près de 50 % en un an et les applis QuelCosmetic et Yuka, qui traquent les ingrédients sujets à caution, ont été téléchargées respectivement près de 24 000 et 43 000 fois. Certains Français préfèrent même fabriquer eux-mêmes leurs produits de beauté.
Remplacer les toxiques par des composants « eco-friendly »
S’adaptant au marché en pleine mutation, les grands de l’industrie cosmétique augmentent le nombre de leurs références bio, sans phtalates, ni parabènes ni sulfates. Mais il n’est pas facile de fabriquer des cosmétiques à la fois respectueux de l’environnement et « performants ». Pour y parvenir, L’Oréal a décidé de s’associer au Laboratoire de chimie des polymères organiques (LCPO) et de créer une structure « hors les murs ». En outre, le géant mondial de la cosmétique doit respecter le règlement européen REACH** et, pour des raisons d’image et d’éthique, s’impose aussi les 12 principes de la chimie verte : éviter de produire des déchets, utiliser des ressources renouvelables, concevoir des produits plus sûr, etc. Ardu.
Cap sur les bioressources non alimentaires et locales
« La difficulté réside dans la substitution totale des polymères* que l’on utilise depuis des années, souligne Sébastien Lecommandoux, directeur du LCPO. Il faut éliminer tous les produits problématiques tout en maintenant voire en améliorant la performance et en maîtrisant les coûts. Nous envisageons d’utiliser des bioressources non alimentaires et si possible locales, poursuit le professeur à Bordeaux INP (Institut polytechnique de Bordeaux) : des dérivés (microcristaux) de cellulose d’arbres, des acides gras (beurre de karité…), des extraits de pin maritime… Apporter un nouvel actif dans une formulation, c’est simple, revoir la formulation, plus compliqué. Là, les enjeux sont beaucoup plus complexes : il faut des polymères biocompatibles et biodégradables, des actifs performants et personnalisés en fonction des types de peaux, de cheveux… », explique Sébastien Lecommandoux.
D’autres débouchés possibles
Pour ce faire, les scientifiques réalisent leurs études sur des modèles cellulaires ou de peaux artificielles, L’Oréal s’interdisant depuis 1989 les tests sur animaux. Les connaissances fondamentales acquises dans ce laboratoire commun pourront servir à d’autres domaines tels que le biomédical et les matériaux fonctionnels.
A quand ces cosmétiques 100 % verts et efficaces ? « Un rouge à lèvre durable, qui tienne bien et soit totalement green, nous y sommes presque ! », confie le spécialiste. En quête de naturalité, les Français, eux, sont prêts.
Florence Heimburger
*Polymères : macromolécule naturelle ou entièrement synthétisée par voie chimique, de masse molaire élevée, et composée principalement d’atomes de carbone, d’hydrogène et d’oxygène.
**Reach est un règlement de l’Union européenne adopté pour mieux protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques liés aux substances chimiques, tout en favorisant la compétitivité de l’industrie chimique de l’UE. Il encourage également des méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances afin de réduire le nombre d’essais sur animaux.
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