S’inspirer de la nature et de la photosynthèse pour produire de l’énergie renouvelable à partir d’eau, de CO2 et de soleil, c’est le défi que relève le projet européen Escaled, coordonné par le laboratoire Iprem à Pau (CNRS et Université de Pau et des Pays de l’Adour)
Qui fait des réactions chimiques dans de l’eau, ne fabrique pas de sous-produits toxiques et est économe en énergie ? Mère Nature, bien sûr !
Alors pourquoi ne pas imiter le vivant et l’une des transformations les plus connues, à savoir la photosynthèse des plantes ? Les organismes photosynthétiques ont, en effet, la capacité de transformer l’énergie solaire en énergie chimique, sous forme de molécules. La matière organique serait en quelque sorte les batteries du vivant !
Les espèces, peuvent, quand elles en ont besoin, utiliser ces molécules afin de libérer de l’énergie pour faire fonctionner « la machine ». Quels avantages pour nous ? L’énergie solaire est inépuisable, encore 5 milliards d’années, ce qui nous laisse largement de quoi voir venir. Le procédé utilise l’eau, qui est une molécule assez courante. Quant au CO2, on aimerait justement le voir diminuer, histoire de nous éviter un gros coup de chaud !
De l’ingénierie moléculaire
Mais les réactions du vivant ont souvent de faibles rendements car les espèces doivent s’adapter sans cesse à des changements environnementaux. Pour y faire face, l’évolution a sélectionné de nombreuses régulations qui, du coup, les limitent et les protègent. Pour lever ce verrou technologique, les chercheurs du projet ont une stratégie. Afin d’optimiser la synthèse de molécules énergétiques comme l’hydrogène, ils ne vont utiliser que la substantifique moelle d’une enzyme photosynthétique, son site catalytique constitué d’un métal (non rare) qui accélérera la réaction. Chacun de ces complexes artificiels bioinspirés sera ensuite inséré dans les pores d’une membrane de polymère, comme autant de mini réacteurs.
Vers l’indépendance énergétique
Le prototype est aujourd’hui une simple cuve rectangulaire contenant de l’eau. Une membrane la sépare en deux compartiments. Du côté « cathode » ( le + du générateur), se fera l’oxydation de l’eau, c’est à dire sa décomposition en proton (H+) et O2. De l’autre côté de la membrane, côté anode (-) sont nichés les fameux catalyseurs (enzymes). Un type de complexe bio-inspiré produira de l’hydrogène, qui servira de carburant pour les transports ou le chauffage.
Une autre application est possible. Un deuxième type de catalyseurs photosynthétiques sont capables, quant à eux, de synthétiser des précurseurs, comme l’éthanol, qui entrent dans le process de fabrication de molécules d’intérêt pour l’industrie chimique.
Imaginez, vous êtes en 2050 : les panneaux solaires sur le toit de votre immeuble transforment l’énergie du soleil en électricité. Cette électricité vient alimenter les cuves installées à la cave pour produire et stocker l’hydrogène, qui le soir venu sera utilisée pour produire le chauffage, l’eau chaude et l’électricité nécessaire à tout l’habitat et pourquoi pas, recharger votre véhicule. Bienvenue dans l’ère de l’indépendance énergétique !
« Le projet s’intègre dans une approche plus globale qui s’intéresse également à l’impact qu’aura cette technologie dans le futur », nous révèle Laurent Billon, coordinateur du projet Escaled. « Il existe par exemple des verrous psychologiques comme la peur de l’hydrogène. Les gens sont restés sur l’image du Zeppelin qui a explosé en 1937 à New York. Aujourd’hui, les dispositifs sont plus sûrs. Mais il y a surtout des verrous sociétaux car la technologie va révolutionner la consommation et le partage de l’énergie. Il n’y aura plus besoin de se connecter au réseau électrique. Cette future indépendance énergétique de l’habitat nécessite une étude et un remodelage du droit publique et privé. »
Sophie Nicaud
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