Les enfants, scolarisés dès la maternelle dans des écoles enseignant uniquement en basque, font preuve à leur entrée au collège d’une maîtrise équilibrée des deux langues, basque et française.
Au pays basque français, la possibilité d’être scolarisé dans des écoles enseignant en langue basque ne cesse de se développer. Cela concerne plus d’une école sur deux. Soit 34 % des élèves du primaire et 43 % des enfants en maternelle. Certaines proposent un enseignement dit à parité horaire, soit 24 h de cours réalisés à équivalence en basque et en français. D’autres proposent un enseignement uniquement en basque. Il s’agit de la méthode dite immersive : les enfants de 2 à 6 ans sont alors immergés dans un bain de langue basque, même à la cantine ou la récréation. Le français est ensuite introduit à partir du CP, enseigné comme une autre langue, le basque restant la langue principale dans les autres matières.
« Ce modèle immersif s’est développé face au constat d’un recul de la langue basque par la transmission familiale. Il a été choisi avec l’idée que le français est extrêmement présent aujourd’hui dans la société, les média, à la maison et que l’accent devait donc être mis sur l’apprentissage du basque dans le cadre scolaire », explique Jean Casenave. Ce chercheur membre du laboratoire Iker, centre international de recherche créé en 1999 à Bayonne, spécialisé sur l’étude de la langue et des textes basques.
Mieux préparés pour apprendre une 3ème ou une 4ème langue
Face aux interrogations des parents sur cette « immersion totale », voire des inquiétudes pour certains, le centre Iker a justement mené l’enquête à travers le projet de recherche « Elebidun » (et la thèse de Beñat Lascano) sur deux écoles primaires, à Hasparren et Biarritz. L’objectif ? Évaluer les processus d’acquisition des langues basque et française. « Les résultats ont démontré que, malgré l’entrée tardive du français dans le milieu scolaire, les compétences de ces élèves dans ces deux langues, lorsqu’ils arrivent en 6ème, s’équilibrent. Elle démontre un bilinguisme équilibré et une bonne maîtrise de ces deux langues », livre Jean Casenave.
Il y aurait de même de fortes probabilités (une thèse est en cours sur ce sujet) que ces élèves, aguerris au bilinguisme, seraient plus aptes à l’apprentissage d’une 3ème, voire 4ème langue. « On sait, par les sciences cognitives, que c’est un énorme avantage pour apprendre une nouvelle langue » ajoute Jean Casenave. « Tout comme on sait, que jusqu’à un certain seuil (6/7 ans) les enfants ont des aptitudes phonologiques extraordinaires ».
De même, une autre hypothèse de travail serait envisagée au sein d’Iker pour évaluer l’efficience de la méthode bilingue à parité horaire et d’une approche plurielle dans l’apprentissage du français chez les enfants migrants.
Marianne Peyri
Actuellement dans les formations proposées aux orthophonistes en Nouvelle-Aquitaine, la dimension du plurilinguisme est très peu prise en compte, certaines pratiques même interrogent : faut-il par exemple, sous prétexte de ne pas créer de la confusion, vraiment retirer des écoles bilingues les élèves souffrant de troubles spécifiques de l’acquisition du langage (dyslexie, dysorthographie, dysphasie…) ? Soutenu par Iker, un projet de création d’une école d‘orthophonie serait ainsi envisagé ainsi qu’un programme de recherche mené par la neuropsycholinguiste Marie Pourquié. Il vise à évaluer l’offre actuelle de formations adaptées au plurilinguisme au Pays basque et à déterminer les pratiques et les besoins des orthophonistes dont les patients sont bascophones et/ou bilingues.