Dans l’imaginaire populaire, les combats de gladiateurs s’apparentent à de véritables boucheries mettant en présence des hommes de peu de valeur, forcés à combattre jusqu’à la mort. Pourtant les recherches modernes sur la gladiature dévoilent une autre réalité. Il est peut-être temps de pourfendre les idées reçues et de dire « Pouce » aux approximations.
« Ô spectateur qui entrez dans la salle, déposez à l’entrée toutes vos références historiques », prévenaient déjà les rédacteurs du site Hérodote.net lors de la sortie en salle de Gladiator (2000). Car la plupart des péplums hollywoodiens mettant en scène des gladiateurs (de Spartacus à Pompéi en passant par Gladiator) contiennent plus d’idées reçues ou d’approximations que d’hémoglobine, ce qui n’est pas peu dire…
Idée reçue n°1 : Des hommes forcés à combattre ?
La plupart des films accréditent la thèse d’hommes (prisonniers de guerre, esclaves… ) contraints à cette forme d’exhibition morbide. Or, à l’époque du Haut empire romain (entre le Ier et le IIIème siècle après J.-C.), la plupart des gladiateurs étaient des hommes libres (Auctorati) pratiquant la gladiature de façon « volontaire et professionnelle » contre rémunération sonnante et trébuchante. « Les gladiateurs recevaient une prime d’engagement et touchaient un quart des revenus issus des combats », explique Eric Teyssier, spécialiste de la Rome antique et auteur de plusieurs ouvrages sur les gladiateurs.
Idée reçue n°2 : Des hommes dont la vie ne vaut rien ?
Partant de l’idée reçue selon laquelle les gladiateurs étaient exclusivement des esclaves ou des prisonniers de guerre, le cinéma a popularisé l’idée que leurs vies n’avaient que peu de valeur. C’est totalement faux, assène Eric Teyssier. « Bien sûr ils pouvaient être blessés, parfois gravement, mais ils étaient très bien soignés ». Car ces hommes surentraînés étaient de véritables « stars, très bien payées », générant beaucoup de profits pour leurs employeurs notamment par le biais de produits dérivés (déjà). Avec une moyenne de 17 combats, les gladiateurs pouvaient « devenir riches en peu de temps ».
Idée reçue n°3 : La mort pour seule issue ?
Dans Gladiator les combats s’apparentent à une véritable boucherie. Or les gladiateurs combattaient sous la conduite d’un arbitre (jamais représenté à l’écran) et ne tuaient leur adversaire qu’à la demande expresse de la foule, acceptée par l’organisateur du spectacle. Il s’agissait d’une « violence très encadrée », un peu comme les matchs de catchs actuels. « La mort était possible, mais pas systématique » et les combattants étaient même parfois « renvoyés debout » (Stantes missi) par un geste de l’arbitre (doigts rétractés vers la paume de la main) constatant le match nul.
Idée reçue n°4 : Pouce !!!
Quid du fameux « Pouce tourné » vers le bas (Pollice verso) décidant de la mort du gladiateur ? « C’est une vision formatée depuis le XIXeme siècle à cause d’un tableau de Gérôme qui a d’ailleurs inspiré Ridley Scott. C’est un peu le passage obligé de tout péplum, il faut un pouce retourné dans un sens ou dans l’autre… » En fait, la mort était demandée par la main tendue, pouce dirigée vers le vaincu… geste sans doute moins spectaculaire aux yeux des réalisateurs américains. Quand à la grâce, elle était demandée par les spectateurs en agitant des mouchoirs.
Ah oui, dernier point. N’en déplaise aux admirateurs de la plastique de Russell Crowe, l’histoire de la gladiature n’a pas été exclusivement masculine. Elle compte aussi dans ses rangs des femmes… et des nains. Décidément tout fout le camp !
Alexandrine Civard-Racinais
Pour en savoir plus…
« Les gladiateurs, entre mythe et réalité », conférence d’Eric Teyssier (Nîmes, CRHISM), 14 mars 18, UniCaen / Plan de Rome (France) – 2018
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