« Nos ancêtres les Gaulois »… expression incontournable des leçons d’histoire de la 3ème République. En fait, ces braves Gaulois n’existaient pas vraiment en tant que Gaulois mais ils nous ont légué… une part de rêve.
Bien pratique ces Gaulois et s’ils n’existaient pas, il faudrait les inventer. Et d’ailleurs, ne les a-t-on pas un peu inventé ? Si l’on pouvait discuter avec un de ces Gaulois justement, il nous regarderait d’un drôle d’air : « Gaulois moi ? Et pourquoi pas Ibère tant qu’on y est ? »
L’Ibère est rude, et le Gaulois l’est aussi un peu mais il ne s’estime sans doute pas Gaulois à l’époque. En fait, ce sont une multitude de peuples très différents. Des Bituriges, des Arvernes (ah… « Le Bouclier Arverne » chez Astérix), des Helvètes, des Saintons… bref, une flopée de peuples divers et variés.
Ils sont tous issus de grandes migrations antiques de Celtes, peuples venus, comme toujours à cette époque, des grandes plaines d’Asie centrale et qui se substituent (mais sans les faire disparaître) à une population plus ancienne encore établie en Europe.
Bref, les Celtes occupent toute l’Europe et les Gaulois n’en sont qu’une des parties, qui recouvre globalement une « grande France » qui s’étalerait sur la Belgique, un peu l’Allemagne, la Suisse et… le nord de l’Italie. D’ailleurs, les Romains appellent cette partie de la péninsule la « Gaule cisalpine ».
Les Romains voient flou
Et voilà comment naît une légende. Les Romains peuvent être très sympathiques mais tout ce qui n’est pas eux… vu de Rome, c’est flou. Alors on appelle ça des Barbares. Et puis on essaie de faire des sous-groupes.
Ainsi, tout ce qui se retrouve vers l’ouest-nord-ouest, c’est « Les Gaulois » parce que ça se ressemble vaguement tout ça. César essaiera d’être plus subtil en parlant de « Guerre Des Gaules », pluriel pertinent.
Mais pour faire sa pub de chef d’Etat auprès des Romains, mieux vaut simplifier. Il y a certes une certaine unité de civilisation, de coutumes, (comme d’ailleurs avec tous les Celtes) mais « Les Gaulois », c’est aussi vague de que parler des « Européens » pour qualifier Suédois et Grecs.
Chaises musicales
En outre, comme ils sont issus d’un peuple venu « envahir » l’Europe occidentale, ils pratiquent ce qui s’est fait ensuite avec les grandes invasions : ils occupent culturellement et économiquement une zone mais sont sans doute trop peu nombreux à s’être déplacés pour faire disparaître ethniquement les populations. Déjà variées, elles occupaient la zone avant eux. Ce sera la même chose lors des « Grandes invasions » dont les Francs, ensuite, seront parmi les principaux acteurs. Les Francs ne remplacent pas les « Gaulois » devenus des « Gallo-romains » mais leur roi prend le pouvoir. Il laisse en place l’aristocratie qui devient « Franque » parce que c’est quand même mieux d’être envahi que de n’être plus aristocrate.
Un héritage de 200 mots
C’est la Révolution qui exhumera cette histoire d’ancêtres gaulois. Histoire, déjà, de donner du « nous » contre « eux ». « Eux », ce sont les Francs aristocrates et « nous », c’est le pauvre petit peuple gaulois. L’affaire fera florès. Napoléon III puis la IIIème République trouvent bien pratique ces gens dont on ne sait rien pour y coller tous les fantasmes de l’époque.
Ces ancêtres insaisissables ont-ils laissé un héritage ? Il y a environ 200 mots issus des Gaulois dans notre langue (dont chariot et cagoule…) mais aussi l’essentiel du paysage agricole.
Ils ont très vite repéré les bonnes terres et ont défriché là où ça rapportait le plus et où ça rapporte toujours. Il nous ont légué également beaucoup de noms de lieux. Et puis, peut-être, une sorte d’état d’esprit, cette passion pour l’héroïsme, surtout s’il est inutile et qu’il débouche sur de belles défaites pleines de gloire.
Et c’est pour ça qu’on les aime tant, nos faux ancêtres…
Jean Luc Eluard