La France connaît une épidémie de virus appelés papillomavirus, responsables du cancer du col de l’utérus. Explications sur ces virus avec Jean-Luc Brun, professeur de médecine au CHU de Bordeaux, gynécologue spécialiste du papillomavirus.

Que se cache derrière le joli nom de « papillomavirus » ?

Le papillomavirus est un virus qu’on appelle épithéliotrope. C’est à dire qu’il se fixe volontiers sur les épithéliums : la peau et les muqueuses. Ce virus se transmet donc par les contacts entre les personnes. Il est connu depuis très longtemps car il est responsable des verrues plantaires.
Il n’y a pas moins de 200 virus répertoriés appelés papillomavirus. Cependant, il faut les séparer en deux groupes.

Il y a ceux qui sont cutanés et se logent alors sur la peau.
En gynécologie, c’est le deuxième groupe qui nous intéresse : les papillomavirus muqueux qui se déposent donc sur les muqueuses. Les plus touchées sont les muqueuses contaminées par contact sexuel : les muqueuses de col de l’utérus, du vagin, de la vulve, de l’anus et de la gorge. Ils sont nombreux et il faut aussi les séparer en deux sous-groupes.
Il y a les virus dits à bas risque cancéreux qui ont la particularité de provoquer des verrues génitales au niveau de la vulve, l’anus et parfois dans le vagin. C’est assez spectaculaire et assez courant car ils touchent tout de même 1% des personnes. Ces virus sont très contagieux mais ils ont des propriétés cancéreuses nulles.
A l’inverse, l’autre sous-groupe a un risque cancéreux important. Ils se fixent au niveau du col de l’utérus et ils évoluent discrètement sans créer de signes visibles type perte ou saignement. Le virus crée alors une lésion précancéreuse qui, si elle n’est pas dépistée à temps, peut devenir une lésion cancéreuse.

C’est tout le paradoxe de cette multiplicité d’infection au papillomavirus dont certaines sont très bruyantes et peu graves et d’autres silencieuses mais sont potentiellement graves.

Quel est le niveau de risque des papillomavirus responsable du cancer de l’utérus ?

En France, on traite ou on surveille 60.000 lésions précancéreuses et il y a moins de 3.000 cancers par an. Les femmes présentent beaucoup d’infections au papillomavirus, pas mal de lésions précancéreuses mais ensuite le nombre de cancer est donc très faible.
C’est là le message essentiel pour les femmes. L’infection au papillomavirus touche tout le monde. On estime que 80% des femmes et des hommes ont à un moment ou un autre rencontré le papillomavirus mais l’ont probablement éliminé.

Les femmes qui ne l’ont pas éliminé ont un risque de développer une lésion précancéreuse. Et si elles ne l’éliminent toujours pas et ne sont pas dépistées, elles pourront développer le cancer du col de l’utérus.

Comment prévenir le cancer du col de l’utérus ?

Pour cela, on a deux actions validées depuis plus de 15 ans. Premièrement, la vaccination. On bloque l’arrivée du virus lors des premiers rapports sexuels grâce aux anticorps que la personne va fabriquer à partir de la vaccination. Cette vaccination est très efficace et a démontré l’absence d’effets secondaires sévères.
La deuxième solution est le dépistage par frottis pour identifier la lésion précancéreuse. Puis, on va la traiter si nécessaire pour éviter que le cancer ne se développe.

Si ces deux actions sont bien mises en place auprès de toute la population, cela permettra d’éteindre complétement les cancers du col et de faire régresser la mortalité qui reste un fléau international.
En Afrique ou en Amérique du sud, c’est un problème majeur puisqu’il y a 500.000 cas déclarés chaque année. Dans le monde, une femme meurt d’un cancer du col de l’utérus toutes les 3 minutes.
On sait que le papillomavirus est le responsable unique du col de l’utérus. D’où l’importance de le faire disparaître.

L’efficacité de la vaccination est de 99% sur les deux papillomavirus les plus importants pour ce cancer. Et un nouveau vaccin concerne 9 virus impliqués dans 90% de ces cancers. L’efficacité a été montrée chez les jeunes femmes qui n’ont jamais rencontré le virus avant. Le vaccin n’est pas thérapeutique mais préventif : une fois que l’on a eu des relations sexuelles, on a un risque sur deux d’avoir été infecté par le papillomavirus. Alors vacciner n’a plus de sens, il vaut mieux passer au dépistage et au suivi.
La vaccination est réservée aux jeunes de 11 à 14 ans avec un rattrapage de 15 à 19 ans chez des jeunes femmes qui n’ont pas eu de rapports sexuels.

Il est nécessaire de passer au dépistage pour les jeunes femmes qui ont déjà eu des rapports sexuels ?

Les recommandations françaises indiquent que la vaccination n’est pus utile à partir de 19 ans. Il faut donc passer aux examens gynécologiques. Mais il n’est pas forcément nécessaire de faire passer à ces jeunes femmes des examens gynécologiques systématiques par les frottis et le dépistage.
Car entre 20 et 25 ans, chez les femmes non vaccinées, on va se retrouver avec un portage du papillomavirus très important en France : aux environs de 35-40%. Mais il n’y a donc pas obligatoirement des lésions précancéreuses et jamais de cancers.

Cela génère un stress important pour les patientes, et des examens compliqués par des gynécologues peu nombreux. Et, peut-être parfois par méconnaissance de la pathologie, on observe des sur-traitements (avec des morceaux de col retirés) qui vont être nocifs pour l’avenir obstétrical de ces jeunes femmes.

Qu’en est-il pour les femmes plus âgées ?

A partir de 25 ans, c’est l’âge où l’on commence à voir quelques cancers. En sachant que l’âge moyen du cancer est de 40 ans. Selon un profil classique, une femme commence à voir ses premiers rapports sexuels à partir de 17 ans, elle développe une lésion précancéreuse peu sévère vers 25 ans qui n’est peut-être pas diagnostiquée, puis évolue vers une lésion de haut grade vers 30-35 ans. Et si elle n’est pas dépistée, cela peut évolué vers un cancer vers 40-45 ans. L’histoire naturelle est donc assez longue.

Or, comme on a vu précédemment, il y a une grosse population infectée mais très peu de cancer à la fin. Cela veut dire qu’il y a un mécanisme spontané de régression et de guérison de l’infection sans l’action des médecins.
Cette histoire naturelle est connue depuis une vingtaine d’années. On a une guérison spontanée de 70% à un an, 80% à deux ans, 90% à 3 ans. Plus le temps passe, plus on optimise les chances de guérison spontanée.
Si la lésion précancéreuse évolue vers un niveau plus sévère, c’est le moment où il faut passer au traitement par chirurgie (conisation). Mais quand on traite ces femmes là, elles n’ont pas le cancer. Le cancer étant le stade suivant.
La surveillance est donc pertinente car il y a la possibilité de guérir spontanément, sans risque de laisser évoluer un cancer.

Propos recueillis par Alexandre Marsat

Quel parcours de soin face au papillomavirus :

  • le dépistage se fait de 25 à 65 ans, avec une prise en charge par la CPAM selon des modalités précises : un frottis annuel, puis tous les 3 ans (en l’absence de problème).Le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus en Nouvelle-Aquitaine se met en place via l’Agideca.
  • Au delà de 65 ans, normalement, le dépistage s’arrête, « mais on se retrouve de plus en plus avec une classe d’âge qui démarre l’infection au papillomavirus suite à une nouvelle vie conjugale ». L’exposition est donc tardive avec une immunité plus faible. « Il est donc recommandé, au cas par cas, de continuer le dépistage ».
  • Réticences face au vaccin : « La France est l’un des derniers pays du monde en terme de couverture vaccinale globale. Le papillomavirus s’est retrouvé dans le tumulte de la défiance vis-à-vis de la vaccination en général. » A Bordeaux, le centre de pharmacovigilance du CHU de Bordeaux recense tous les effets secondaires de cette vaccination : « A ce jour, il n’y a pas d’augmentation de risque de développer des maladies ».
    « Une étude de l’assurance maladie sur la vaccination en 2012 montre aussi qu’il n’y a pas d’augmentation de risque de maladie auto-immune entre les jeunes femmes vaccinées et les autres ».

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