En Corrèze, Brive Tonneliers innove dans un milieu très traditionnel. Ses tonneaux sont équipés d’un QR Code qui permet de retracer leur histoire de leur arrivée en planches à leur sortie, trois ans plus tard. Et aux vignerons de tester des recettes en fonction de la qualité du tonneau.
La carrure de l’ancien rugbyman, le geste ample, Laurent Lacroix de Brive Tonneliers embrasse de la main le bois qui vieillit pendant trois ans en plein air : « Il y en a pour 1,6 million d’euros qui attend. Autant dire que dans ce métier, si vous n’êtes pas une vieille famille de la tonnellerie, c’est compliqué d’entrer. » Manière de dire aussi que dans ces conditions, l’innovation n’est pas une priorité.
Pourtant, le directeur de l’entreprise de 50 salariés n’en démord pas : « Les gens sont en quête de sens. Si on ajoute le réchauffement climatique, on perd les pédales : dans les métiers du vin, on ne peut plus faire une année ce qu’on faisait l’année précédente. C’est fini. » D’où cette innovation, lancée en mai 2018, qui introduit les nouvelles technologies dans un métier par essence (et par volonté) très traditionnel : un QR code qui permet de tracer le parcours complet de la barrique et, à terme, celui du vin qu’il contient.
Température des barriques
Tout commence sur cette vaste aire de stockage où s’entassent les palettes de merrains qui serviront à la fabrication des tonneaux. Là, chaque palette reçoit un code barre qui indique son origine et sa date d’arrivée. A 4.000 euros le mètre cube, on comprend que l’on soit sourcilleux sur la qualité du bois. Il passera trois ans à se « feutrer », à mûrir sous l’action de champignons spécifiques. Ce code-barre suivra chaque merrain dans les différentes opérations de cintrage et de chauffe.
On sait exactement grâce à des capteurs quelle sera la température extérieure et intérieure des barriques en cours de chauffage : « Il existe cinq catégories de chauffe. Mais chaque tonnelier a sa propre échelle et le vigneron s’y perd. »
Ici, pendant qu’à l’écran qui domine la salle de chauffe, les températures des futurs tonneaux s’affichent, on sait exactement à quoi correspond chaque catégorie. C’est qu’en fonction du brûlage intérieur, la réaction de Maillard qui fait interragir sucres et protéines donne des goûts différents au bois (vanille, café, moka, chocolat), qui a son tour influencera le vin.
A la sortie de la tonnellerie, le code-barre qui a accompagné le bois pendant sa transformation est remplacé par un QR Code qui permettra au vigneron d’entrer dans un logiciel ses compte-rendus de dégustation et de suivre l’évolution de son vin dans la barrique. Un onglet « entretien » permet aussi de suivre les cycles d’entretien. Mais pour l’instant, seul Brive Tonneliers a accès aux retours de satisfaction de ses clients.
Valeurs des consommateurs
La prochaine étape : une appli qui permettra de collecter toutes les données des QR Code et qui permettra au vigneron de suivre lui-même les étapes de son vin et d’éventuels tests de recettes en fonction des différents types de barriques. Avec ses 15.000 fûts annuels pour un marché tourné en premier lieu vers la Californie et la France, puis l’Australie, l’entreprise et son directeur font entrer une nouveauté presque dérangeante dans un monde feutré.
Laurent Lacroix n’en démord pas : « Avec l’appli Yuka, toutes les marques sont en danger. Dans le monde du vin, on n’en est pas là mais les grandes marques peuvent être malmenées si elles ne correspondent plus aux valeurs des consommateurs. » Pour lui, le QR Code qui suit la barrique à la trace est l’avenir de la tonnellerie.
Jean Luc Eluard
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