De l’idée farfelue de trois rugbymen de Guéret est né le premier système automatique de dépollution des eaux. Sans aucune compétence technique, ils ont créé le Recyclamer. Ou quand on veut, on peut. Ou encore : nettoyer les océans vaut bien de se creuser la tête.
Lorsqu’on voit l’état des eaux dans les ports, on hésite sur l’orthographe. Port ? Porc ? Un bateau un peu délicat y regarderait à deux fois avant de mettre sa quille dans cet amas de bouteilles plastiques, résidus approximatifs et mousses jaunâtres, restes éventuels d’hydrocarbures. Alan d’Alfonso Peral est fan de plongée et « comme je suis fou et un peu entrepreneur, il y a trois ans, avec deux amis, on a monté une association de plongée pour ramasser tous ces déchets. » A la main. Autant vider l’océan à la petite cuillère.
Ils cherchent alors un système un peu plus performant, un peu plus mécanique, un peu plus efficace… et ne ramènent rien. Forts du principe que si ce que l’on cherche n’existe pas, il faut le faire soi-même… ils le font eux-mêmes. C’est ainsi que la petite association potache de rugbymen du club de Guéret se lance dans la fabrication d’un prototype qu’ils testent sur le lac des Courtilles, la base de loisirs de la ville.
Moche mais efficace
C’est de bric et de broc : Alan d’Alfonso Peral est radiologue de formation mais « je suis passionné et je lis beaucoup. J’ai demandé à des copains, à des ingénieurs de m’aider » et à eux tous, ils ont fabriqué un premier engin, plutôt moche et l’air de ce qu’il est : un truc fabriqué dans le garage.
Et pourtant : « C’était juste un prototype et j’ai reçu des coups de fil de ports de la Méditerranée qui voulaient l’acheter. » Il faut dire que l’idée est simple mais efficace : une forme de catamaran, entièrement automatique, genre aspirateur d’intérieur robotisé, qui fonctionne à l’énergie solaire le jour et sur l’électricité emmagasinée la nuit. Il peut fonctionner par télécommande ou en pilotage automatique.
La pression de l’eau
Fini le bricolage, on passe aux choses sérieuses : « Je me suis rapproché de l’université de Limoges ». Le premier système est perfectionné mais l’invention de l’ancien rugbyman reste fidèle au même principe : jouer sur la pression de l’eau qui s’engouffre sous le mini-catamaran grâce à une turbine. Les déchets solides sont piégés dans un filet, contrairement aux autres systèmes équivalents où les objets sont libérés dès que le support n’est plus en mouvement.
De son côté, l’université de Limoges crée un filtre à hydrocarbures en bio-tissu. Là aussi, trois ans de travail pour mettre au point une fibre d’écorce dopée avec des molécules qui créent une fibre végétale qui retient les hydrocarbures. Et l’on passe alors à l’étape suivante : le premier Recyclamer, taille S (1,5 m x 90 cm), qui commence à être commercialisé, baguenaude dans les ports pour avaler goulûment tout ce qui flotte. Mais d’ici 2021, le Recyclamer taille L (5,5m X 2,5 m) pourra être mis en place pour lutter contre les marées noires plus importantes et directement en pleine mer alors que son petit frère a besoin d’eaux plates.
Sus aux bactéries !
Et Alan d’Alfonso Peral pense déjà à la troisième génération qui pourra, dès 2020, récolter aussi les cyanobactéries qui gâchent les vacances de ceux qui ne vont pas à la mer en pullulant dans les lacs où elles agressent la peau. Avec l’accroissement des températures, ces algues bleus-vertes se multiplient, absorbent toute l’oxygène des plans d’eau et provoquent une hécatombe de poissons. Là encore, l’université de Limoges est dans le coup et, avec elle, l’entreprise Prototig, également limougeaude qui fabrique l’engin.
C’est quand même incroyable qu’il faille être à 300 kilomètres de l’océan pour vouloir le nettoyer.
Jean Luc Eluard
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