C’est en distribuant à son insu des faux médicaments au Népal, suite au séisme de 2015, qu’Arnaud Pourredon, étudiant en médecine et en pharmacie à Bordeaux, a pris conscience de l’ampleur des dégâts causés par ces contrefaçons. Il a décidé de lutter contre en créant un dispositif innovant pour tracer toutes les boîtes de l’usine aux patients.

C'est en distribuant de faux médicaments au Népal qu'Arnaud Pourredon, étudiant en double cursus de médecine et de pharmacie à Bordeaux, a eu l'idée de concevoir un dispositif de traçabilité des boîtes médicamenteuses.

Pour son appli Meditect, Arnaud Pourredon, étudiant en double cursus de médecine et de pharmacie à Bordeaux, a obtenu le prestigieux prix du Massachusetts institute of technology (M.I.T.) Technology Review en octobre 2018. Photo DR Meditect

Faux antipaludéens, faux antibiotiques, faux traitements « anticancereux… Chaque année, les médicaments falsifiés provoqueraient 1 million de morts dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Et lorsqu’ils ne tuent pas, ils nuisent car ils contiennent des principes actifs soit en surdosage soit en en sous-dosage, ou des substances toxiques. « Les contrefaçons peuvent provoquer des allergies voire entrainer des dépendances ou des résistances de germes », précise Arnaud Pourredon.

Ce jeune étudiant bordelais en double cursus médecine et pharmacie (3e année validée dans les deux facultés) en fut le témoin. En 2015, alors qu’il était en mission humanitaire au Népal pour le Fonds des nations unies pour l’enfance (UNICEF) suite au séisme meurtrier, l’étudiant a reçu, avec ses confrères, une alerte de l’ONG les informant que les traitements qu’ils distribuaient n’en étaient pas !
« Les analgésiques (médicaments antidouleurs, ndlr) comme le paracétamol étaient du simple sucre et les antibiotiques des faux, responsables de la propagation des maladies, se souvient le futur médecin. L’UNICEF s’approvisionnait à la centrale d’achat du pays, elle-même fournie par la Chine et l’Inde en…médicaments falsifiés. »

L’Afrique, L’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine principalement touchées par les faux antipaludéens

Interview d'un patient victime des faux médicaments dans le centre ville de Ouagadougou (Burkina Faso).

Interview d’un patient victime des faux médicaments dans le centre ville de Ouagadougou (Burkina Faso).

 

Pour Arnaud Pourredon, « bien plus d’un million de personnes serait concerné en réalité. Rien qu’en Afrique, plus de la moitié de la population achète ses cachets dans la rue, où ils sont bien souvent factices. L’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine sont aussi touchées ».

Ayant pris conscience de l’ampleur du fléau, le jeune Bordelais a souhaité lutter contre dans les pays en voie de développement. Pour ce faire, il a conçu un dispositif permettant la traçabilité de chaque boîte de son point de fabrication à son point d’utilisation. Soit de l’usine aux patients en passant par les centrales d’achats, grossistes répartiteurs et pharmaciens. « Il s’agit d’un numéro unique sous forme de QR Code à scanner via une appli dédiée par tous les acteurs de la chaine, précise l’entrepreneur à la tête de la start-up Meditect. Les informations sont transmises et stockées via la technologie sécurisée « blockchain », un réseau décentralisé et partagé par tous ».

Plusieurs prix et bientôt une antenne en Afrique de l’Ouest

Une innovation qui a valu à la jeune pousse bordelaise de nombreux prix : le prix « coup de cœur » de « When doctors meet hackers » en octobre 2017 ; celui de la « meilleure innovation pharmaceutique de l’année », décerné par le laboratoire Sanofi en janvier 2018 ; le prix « coup de cœur » de l’e-health world Monaco en mars 2018 ; le prix « Let’s go France » organisé par le cabinet d’audit PwC en avril 2018 ; enfin, le plus prestigieux, celui de la « Best European Tech Startup 2018 » par le Massachusetts institute of technology (M.I.T.) Technology Review en octobre 2018.

Créée en mars et constituée de 6 personnes à temps plein, la start-up bordelaise vise, pour l’heure le marché de l’Afrique de l’Ouest (notamment le Togo, le Bénin et la Côte d’Ivoire). Toutefois, une décision européenne pourrait lui donner un coup d’accélérateur. En effet, suite à la directive européenne des médicaments falsifiés de 2011, chaque laboratoire européen qui produit et vend des médicaments en Europe devra fournir des traitements pourvus d’un dispositif obligatoire d’identification, de vérification et d’inviolabilité sur leur emballage extérieur.

Tests de l'application auprès de professionnels de santé et de patients 0 Abidjan (Côte d

Tests de l’application auprès de professionnels de santé et de patients à Abidjan (Côte d’Ivoire).

« Notre dispositif permet aux laboratoires pharmaceutiques de lutter contre les médicaments contrefaits, d’améliorer leur image de marque et de récupérer de la data pour savoir où les gens sont malades », précise le jeune homme.

Meditect a un premier laboratoire client. D’autres pourraient suivre. L’appli « patient » est prête, celle pour les professionnels doit encore être peaufinée. Les deux ont déjà été testées en Afrique, avec succès, auprès de tous les acteurs de la chaine de distribution : grossistes, pharmaciens et patients.

Meditect ouvre un bureau en janvier 2019 à Abidjan (Côte d’Ivoire) pour éduquer, promouvoir, former les patients et professionnels de santé, et référencer les pharmacies.

« Eradiquer les médicaments falsifiés est notre rêve. Cela passe aussi par la sensibilisation et l’éducation. Mais s’il n’y a pas une réelle volonté de tous les acteurs, cela risque d’être compliqué », souligne Arnaud Pourredon.

Florence Heimburger

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